Dix heures, vingt-quatre minutes et trente-neuf secondes d’efforts. Dans la nuit du 2 au 3 décembre 2017, Damien Rousseaud (Athlétique Club Nord Sénonais) a parcouru les soixante-douze kilomètres d’une SaintéLyon* qui a rassemblé dix-sept mille traileurs, dans le froid, la douleur et l’émotion. Entretien avec le dossard 1655 de cette 64ème édition.
LE COUP DE PROJO : Damien, déjà deux semaines depuis les 72 kilomètres de la SaintéLyon 2017, quel est ton état physique ?
Damien Rousseaud : Très bon. J’ai récupéré. J’ai eu mal aux jambes pendant au moins quatre jours, du mal à marcher. J’ai été très fatigué pendant plus d’une semaine, je le suis même encore un peu aujourd’hui. J’ai maigri aussi (- 2,5 kgs). J’essaie de reprendre du poids en mangeant bien gras, du Nutella (rires).
LCDP : Avant cette course, tu comptais deux participations à The Trail Yonne (63 kilomètres en 2013, 85 en 2014). Où se situe la SaintéLyon par rapport à cette épreuve ?
DR : C’est très différent. Les conditions météorologiques ont rendu ma SaintéLyon difficile. Le 85 kilomètres (The Trail Yonne 2014) fut très dur. J’étais mieux préparé pour la SaintéLyon, donc physiquement je n’ai pas trop craqué. Mais c’est vraiment une course au mental, avec notamment une première partie dans le froid et la neige…
LCDP : Le plus dur dans cette course alors…
DR : Le froid ! Le passage à Sainte-Catherine, au 28ème kilomètre, avec un ‘ravito’ en plein courant d’air, les pieds dans l’eau, résultat de la neige fondue. J’ai eu un gros coup de froid, très très mal au bout des doigts. Au bord de la route, des bus étaient garés pour ‘ramasser les abandons’. Il y avait la tentation de monter s’y mettre au chaud… Vraiment difficile de se remettre dans la course à ce moment-là, à 40 ‘bornes’ de la fin. Le moment le plus dur de la SaintéLyon…
951 abandons : Une hécatombe qui rappelle l’exploit des
5788 finishers de la SaintéLyon 2017.
LCDP : Et ce qui t’a fait tenir finalement ?
DR : Les encouragements reçus la semaine précédant la course. Je ne voulais pas décevoir tous ceux qui me suivaient. J’avais aussi mon objectif de finir sous les dix heures, je ne voulais vraiment pas lâcher. Ma famille m’attendait à Lyon, ma copine aussi. Ma famille, mes amis, c’était là ma source de motivation.
LCDP : La volonté ou la préparation : quel est donc le facteur le plus déterminant pour aller au bout ? DR : Pour la SaintéLyon, la volonté est plus importante que la préparation. Contrairement à un trail comme celui de Sens où la préparation est primordiale, je dirais que la ‘hargne’ compte pour 60 %. Et 40 % pour la préparation, il en faut quand même.
LCDP : Ton résultat (10 heures et 24 minutes) est-il, malgré tout, à la hauteur de tes attentes, sachant que tu voulais terminer en moins de dix heures ?
DR : Je voulais avoir un objectif qui me fasse avancer. Mais au fil de la course, celui-ci a évolué au vu de la météo et de mon état physique. À la fin, je voulais limiter la casse pour être au plus près de ces dix heures mais je savais très bien que mon objectif s’éloignait.
LCDP : On te reverra donc sur la SaintéLyon pour améliorer ton chrono ?
DR : À mi-course, je me suis demandé ce que je faisais ici…je souffrais trop, allant même jusqu’à penser que c’était mon dernier trail. Mais il y a eu tellement d’émotion à l’arrivée… Six ou sept heures après la course, j’avais envie de la refaire, car elle est vraiment spéciale. Donc oui, je la referai, et en mieux !
LCDP : La nuit de la course, quel a été ton ressenti sur l’ambiance générale de cette épreuve mythique ?
DR : Entre les participants, on était toujours en train de se motiver. J’avais l’impression de faire la course avec tout le monde, en encourageant ceux qui étaient ‘dans le dur’, une petite tape dans le dos ici et là… Il n’y a pas de concurrence, on est tous dans la même galère à se motiver. En haut des petits cols, dans le froid, les supporters étaient aussi présents, à nous applaudir et agiter les cloches. C’était impressionnant.
LCDP : Tu as recouru depuis ?
DR : Non, peut-être une petite sortie la semaine prochaine, je n’ai pas encore l’envie. Je laisse passer les fêtes et je reprendrai ensuite.
LCDP : Quel est ton prochain gros objectif ?
DR : Je cherche… J’avais toujours la tête à la SaintéLyon après la course, j’avais du mal à décrocher… Avec une sorte de ‘déprime’… J’en ai parlé à Yves Trinidad (expert en coaching sportif, finisher du dernier Ironman de Barcelone) qui est coutumier de ce genre de performances, il m’a dit que c’était normal et qu’il fallait se concentrer sur un prochain objectif. J’ai en tête la Transjurassienne, soixante-douze kilomètres dans les Vosges en Juin, ou sinon, peut-être un trail avec l’ACNS en Ardèche….
Mais quand même, cette SaintéLyon…j’ai eu du mal à m’en ‘déconnecter’ au cours des jours qui ont suivi. Bizarre de revenir à la ‘réalité’. J’en rêvais encore la nuit…
A.B.
Propos recueillis le 16/12/2017
*Quatre courses, de 12 à 72 kilomètres, individuelles ou en relais (voir saintelyon.com)
Crédits photos
Courtoisie Damien Rousseaud
Superbe focus sue Damien, merci. Fière d etre a tes côtés lors de seances de sport ( moins difficile certe) chaque semaine.
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