Entretien en toute sincérité avec Jonathan Bouzagheti, l’un des nouveaux visages du Sens Olympique Club, arrivé cet été dans l’Yonne. Ou quand bienveillance et transmission riment avec passion…
Jonathan, tu as signé au SOC l’été dernier, peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?
J’entraîne depuis environ dix années, ayant commencé à mes dix-huit ans. Le volley est une véritable passion même si bizarrement on m’y a forcé au départ…Il y avait une classe sport dans mon collège et on m’a dit ‘il faut que tu fasses du sport, il faut que t’y ailles’. J’y suis allé à reculons mais j’ai finalement accroché. Du fait de ma taille, il était compliqué pour moi de faire carrière, mais je voulais conserver le volley comme fil conducteur de ma vie professionnelle. J’aime échanger avec les gens et apprendre ce que je sais faire : je me suis donc lancé très tôt en tant qu’entraîneur. Principalement chez les catégories jeunes, au club de Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire). Le club a constaté ma motivation. Et les bons résultats aidant, il a ensuite décidé d’insister sur le secteur de la formation. Cela m’a amené à suivre une alternance en DE JEPS* sur le Pôle France féminin à Saint-Raphaël. J’ai ensuite coaché sur de la Nationale et collaboré en tant qu’entraîneur puis responsable ligue auprès des sélections de Bourgogne (filles et garçons). Après une année ‘off’ dont j’avais besoin pour me ressourcer, le SOC a fait appel à moi pour remplacer Kévin (Caudal) sur cette saison 2016-2017.
Parviens-tu à gérer le management simultané de plusieurs groupes de joueuses, comme c’est le cas cette année ?
C’est notre métier de coacher plusieurs équipes donc on s’y fait très bien. Le transfert entre les différents groupes est facilité par l’atmosphère générale du club. Aussi, je voulais venir à Sens car c’est un club qui m’a toujours attiré, que je sentais convivial, avec des gens fidèles et au lien facile. Je me souviens par exemple de Sylvie Duranton (membre actuelle du club et marqueuse de l’équipe Élite) depuis que j’ai 13 ans, période de mes premiers affrontements contre le SOC. J’étais curieux de découvrir le club depuis l’intérieur.
« Sentir que l’on est quelqu’un d’important par rapport à eux et qu’il y a eu un échange, c’est exceptionnel. »
Comment juges-tu ton groupe de Prénationale en cette saison 2016-2017 ?
C’est une équipe composée de joueuses de niveau Prénationale. Il y a des joueuses à potentiel mais le fait que certaines filles partent de Sens (pour études) complique notre mission, notamment au niveau des entraînements. Aussi, mon arrivée tardive (début septembre) a retardé la préparation et la création de l’effectif. Avant notre première victoire face à Chalon-sur-Saône (3-0, le 5 novembre), le début de saison a été très compliqué.
Quel est l’objectif de l’équipe, aussi bien en championnat qu’en Coupe de France ?
Nous n’avons pas vraiment fixé d’objectif pour le moment puisque l’équipe vient tout juste de se créer. La perte de deux de nos trois premiers matchs nous permet difficilement de prétendre à la montée. Il y a deux grosses équipes dans notre poule cette année, terminer troisièmes serait déjà une belle performance. C’est là notre objectif : donner notre meilleur pour y parvenir !
Selon toi, le SOC a-t-il vocation à former des joueuses professionnelles ?
Former des professionnelles est très compliqué car cela ne repose pas uniquement sur nous, mais aussi sur des prédispositions physiques. Ce qui fait la différence, ce sont les gabarits, et nous ne pouvons pas les inventer… C’est un peu de la chance, mais pas seulement. Plus on aura du monde et plus on aura la possibilité de sortir des gabarits. Il y a à Sens une très belle école de volley. On compte notamment un très bel effectif de benjamines (environ trente joueuses). Sur ce nombre, tu en auras trois à fort potentiel, ce qui est déjà énorme.
Quel sont les faits les plus marquants de ta carrière ?
En tant qu’entraîneur, j’en vois deux majeurs. La montée de N3 en N2 (masculine) avec Sennecey, une équipe de joueurs presque exclusivement formés au club, entraînés depuis le plus jeune âge. Le jour de cette montée avec des garçons du cru fut un aboutissement. Mon deuxième gros souvenir fut la participation à une phase finale de Coupe de France avec les M15 de Sennecey. J’y ai été désigné meilleur entraîneur jeunes de France, parallèlement à un de mes joueurs couronné meilleur volleyeur de sa catégorie. On s’est retrouvés sur un podium (voir photo), c’était l’apothéose de tout le travail réalisé !
Qu’aurais-tu fait dans un monde sans volley ?
J’ai eu beaucoup d’opportunités professionnelles, et je dois dire que je trouve toujours de l’intérêt dans tout ce que je fais, même des trucs bêtes ! Mais je voulais vraiment avoir un échange avec les gens. J’aurais d’ailleurs pu devenir éducateur spécialisé. Avec beaucoup de relationnel auprès des joueurs, le métier d’entraîneur épouse en partie cet aspect. À force d’entraînements, il y a même eu des joueurs que je voyais plus que leurs parents ! Aussi, je me suis rendu compte que je pouvais faire le sport que j’aimais en étant éducateur. Sinon, j’aurais également pu partir dans la restauration, une toute autre direction…
Quel regard portes-tu sur le volley-ball et son récent essor, notamment grâce au phénomène ‘Yavbou‘** ?
Ça a tout changé, car on parle de nous désormais. Le volley est un sport inconnu. En suivant les JO, ma maman s’est rendu compte que le volley se jouait à six…elle qui a pourtant son fils dans le métier ! Le public découvre notre sport et se rend compte de son aspect spectaculaire. Les clubs ont aussi pour mission de susciter l’intérêt, car c’est un sport dur à pratiquer. Le mélange des deux peut créer une émulation. Il faut savoir que le sport comptant le plus de licenciés au monde est…le volley ! Dans beaucoup de pays, c’est une religion. En Italie, Earvin Ngapeth est une véritable idole. Ça ne prend pas autant en France mais on ne peut que progresser.
Quelle est ta plus grande fierté ?
D’avoir des joueurs qui m’appellent, même après trois années sans se voir. Pour me faire part de leurs difficultés ou simplement me contacter pour prendre des nouvelles et parler de la vie. Sentir que l’on est quelqu’un d’important par rapport à eux et qu’il y a eu un échange, c’est exceptionnel. Sentir qu’on a servi à quelque chose… L’un de mes anciens joueurs m’a sollicité pour être son référent, par exemple. Je ne vis pas que pour eux, mais pour ce que j’ai fait pour eux.
Dans un monde parfait, où te verrais-tu dans dix ans ?
C’est compliqué de savoir dans notre métier… Idéalement, j’aimerais coacher une équipe professionnelle. Sinon, rejoindre le sud qui est aussi une belle terre de volley-ball et que j’apprécie pour son climat. Donc pourquoi pas repartir du côté de Mougins, Cannes, voire Bordeaux qui est une ville que j’apprécie !
Propos recueillis le 5 novembre 2016
*Diplôme d’Etat de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport
**Surnom de l’équipe de France masculine de volley-ball
Crédits photos
Courtoisie Jonathan Bouzagheti