Ce n’est ni au Cap Vert ou au Nouveau-Mexique que s’est tenu le TGS, troisième du nom, mais à Sens, dans l’Yonne. Dans un été qui arrivait timidement, le Trail du Grand Sénonais édition 2021 a offert quatre distances parcourues sous un soleil de plomb, encore une fois.
Douze, dix-neuf, trente-quatre et soixante kilomètres… Et exit le Brennus, épreuve reine longue de cent-trente kilomètres, pandémie et couvre-feu obligent. Le TGS 2021 organisé le 12 juin dernier n’a pas manqué de faire souffrir ses participants, avec ceux programmés pour la « gagne », et les autres, élancés pour la seule gloire de boucler la distance de leur choix. À chacun son objectif mais une quête commune, celle de se dépasser, d’aller au-delà des limites imposées par son propre corps. Les semaines précédant l’événement, grises et pluvieuses, pouvaient rassurer ceux qui allaient arpenter les chemins du Sénonais. Respiration, récupération, relances ; le run est plus commode lorsqu’il est agrémenté d’un peu de fraîcheur, l’air de rien. But no, il aura fallu – comme en 2018 et 2019 – que le ciel offre, le temps d’un weekend, l’échantillon d’un mois d’août andalou. Alors votre narrateur aura dû s’y faire, lancé sur le Petit Sénon, épreuve de dix-neuf kilomètres disputée sur les communes de Sens, Malay-le-Grand, Maillot et Rosoy.
Emporté par la foule
Une fois n’est pas coutume, il est dix heures du matin et on se laisse entrainer par le flot des partants, avec la « bonne » idée de surfer sur la première des deux vagues lancées depuis les abords de la salle omnisports Roger Breton. On oublie le rythme tranquille adopté lors des ultimes entrainements. On s’imagine être Vincent Delebarre, on s’imagine être Dawa Sherpa. Mauvaises idées. Et on se trouve même déjà bien loin du dossard numéro 757 porté par Antoine Fauchart, futur vainqueur en une heure, dix-sept minutes et vingt secondes. L’exploit visé par le dossard 912 sera plus modeste, il lui suffira de rallier la ligne d’arrivée pour toucher à son bonheur personnel.
Les cannes sont aux abonnés absents, la fatigue elle, est bien présente ; puis le roi soleil vient asséner ses coups de semonce sur ce cocktail déjà fatal. Les quelques zones d’ombre proposées par le début du parcours peinent à atténuer la souffrance. Une souffrance du corps toute relative eu égard au bonheur caractérisé par la possibilité de se l’infliger. Le traileur n’est pas rationnel, et l’est encore moins après quinze mois passé sous l’éteignoir. Le retour à la compétition est salvateur et prend tout son sens à l’approche de la route de Maillot, au cinquième kilomètre. Les plus avertis savent que sa traversée annonce LA difficulté du jour, l’Alpe d’Huez du Sénonais. Deux cent mètres de souffrance gravis à pas raccourcis. Les plus téméraires y auront flambé comme le soleil brûlant de ce samedi. Certains autres auront eu le temps de remarquer l’écriteau baptisant la côte du nom d’Alain Ruscon, en souvenir de ce traileur forcené et éducateur passionné du Sénonais, dont les jambes n’auraient pas flanché sur cet affolant pourcentage.
La pensée est émue et s’accentue au fil de la douleur. Tout s’intensifie lorsque vous croisez le regard de ceux que vous aimez, le long du chemin. Leurs encouragements sont autant de gorgées d’eau fraîche, car il faut dire que votre camel bag ne suffit plus, ni les points réguliers de ravitaillement. La ligne d’arrivée s’approche… puis s’éloigne à la lecture de la signalisation malicieuse reprenant la culmination des hauts sommets que sont le Mont-Blanc, l’Everest… 4.809 mètres, 8.849 mètres avant l’arrivée. Des indications qui, trois ans plus tôt, avaient eu un résonnement moins sévère, lorsque le corps était mieux préparé. L’objectif inavoué des cent premières places s’échappe* en même temps que se matérialise un peu plus celui de finir parmi la liste des finishers (au nombre de 206). La cathédrale gothique de Sens n’a jamais été aussi proche, et avec elle le parfum de la délivrance. Quelques centaines de mètres avant de toucher au but et le corps s’offre un sursaut, un sprint d’orgueil pour finir en beauté une course ayant condensé toutes les détresses et tous les espoirs. En fin de compte, l’exultation et la libération devant l’accomplissement.
A.B.
*Classement final : 110e
Podium – Le Petit Sénon (19 kms) :
- FAUCHART Antoine (1:17:20)
- DUPUY Clément (1:17:35)
- FAURE Jérémy (1:17:54)
- Résultats complets sur chronospheres.fr
- Plus d’informations sur trail-du-grand-senonais.fr
Crédit photo
Les Frères Meunier (Alexandre et Mickaël Meunier)